La dimeresse




Avant la construction de cette demeure, la grange dîmière,
localement appelée Dimeresse, où les habitants viennent porter la dîme
due aux moines de Saint-Denis, s'élève à cet emplacement.
La grange a disparu depuis longtemps, mais son nom est resté.
Le bâtiment édifié ensuite, dont le fronton triangulaire imite le XVIIIe siècle,
est postérieur à 1830. La tradition veut que, pendant la Révolution,
les moines de Saint-Denis réussissent à faire sortir de l'abbaye des charrettes
lourdement chargées d'objets précieux, qu'ils cachent dans leur propriété de Messy
pour les soustraire au pillage.
L'énigme fascinante

Une propriété un peu secrète, entourée de grands arbres où s'attardent
les corbeaux et ceinte d'un haut mur, servit de cadre, il y a maintenant
presque trente ans, à la plus fantastique quête au trésor que l'on puisse imaginer.
Pourtant, le trésor n'a pas été retrouvé, et on a abandonné les recherches.
Cette affaire a fait la «une» des journaux;
ceux-ci, du jour au lendemain, n'en parlèrent plus: les histoires de trésors sont ainsi ;
on les oublie aussi vite qu'on les a découvertes.
Pourtant, celle-ci ne méritait pas un tel sort, elle présente une énigme grandiose
qui mériterait et justifierait tous les acharnements. Un vieil officier a passé plus de vingt ans
de sa vie à tenter de retrouver ce trésor ; il s'est usé à cette tâche et, en mourant,
il demandait encore que l'on «creuse un dernier trou».
Souvenir moins noble à évoquer, le trésor lui-même a un crime comme appât:
un jeune homme, amoureux de la femme de son ami, avait fixé rendez-vous à ce dernier,
de nuit, près de l'entrée d'un souterrain perdu dans les bois, pour chercher le trésor,
et il le tua d'un coup de poignard avant de prendre la fuite.
En dépit de ce sinistre épisode, qui peut, de nos jours, dire en quoi consistait ce trésor
de La Dimeresse, près de Messy, dont, en 1954, tous nos grands quotidiens suivaient
fiévreusement les recherches?
Le 13 novembre 1793, la populace en furie envahit l'abbaye royale de Saint Denis
et pille son trésor inestimable, grossi par celui de la Sainte-Chapelle,
que Louis XVI y avait fait transporter par mesure de sécurité.
Blaize de Montesquiou rapporte que le butin fut chargé sur onze charrettes
et dirigé sur la Monnaie où les pièces du trésor devaient être fondues.
Le trésor de l'abbaye était certainement le plus considérable de tout l'Occident:
sa nomenclature complète couvrait 534 pages manuscrites.
Dans son «Histoire de l'abbaye royale de Saint-Denys en France»,
Dom Michel Félibien, bénédictin de la congrégation de Saint-Maur,
s'est borné à donner la description de quelques-unes seulement
des pièces conservées à Saint-Denis: «(...) croix d'or couvertes de rubis,
de saphirs et d'émeraudes, entourées de perles orientales,
épée et éperons de Charlemagne, buste de vermeil doré représentant Saint Benoît,
châsse contenant les ossements de Saint Louis et la couronne de Saint Louis :
elle est d'or et enrichie de plusieurs pierres précieuses, entre lesquelles
est un rubis de grand prix. Dans ce rubis est enchâssée une épine de la couronne
de notre Seigneur». Quelques-unes seulement, répétons-le, parmi les pièces
inestimables qui composaient le trésor.
Or, aucun procès-verbal n'a été dressé à la Monnaie à l'arrivée du trésor
de Saint-Denis, comme il était de règle avant la fonte.
A part les sept pièces que l'on peut voir au Louvre, le trésor de l’abbaye
royale a mystérieusement disparu. En 1939, le commandant Le Clerc
devenait propriétaire d'un domaine situé à la limite de Messy,
en Seine et Marne, la Dimeresse !
Dans un grenier, il découvre un vieil acte de vente par adjudication à un citoyen Delacour,
daté du 4 Octobre 1792, qui pique sa curiosité; on pouvait y lire:
«Une maison, grange et terre, sise à Messy, dépendant ci-devant de
l'abbaye de Saint-Denis en France ».
Le commandant Le Clerc, ancien officier de l'état-major de Lyautey,
est aussi un passionné de radiesthésie. Il entreprend des recherches dans le sous-sol
de sa nouvelle propriété et détecte tout un réseau de souterrains
dont il s'emploie à dresser une carte. Il peut également se procurer
le livre de Dom Félibien qui lui apprend que cette «maison» de Messy
servait aux bénédictins pour prélever la dîme en or.
Par ailleurs, le commandant s'aperçoit que les radiations émises
par les planches du livre représentant des pièces du trésor de Saint-Denis sont semblables en amplitude à celles provenant de son sous-sol.
Le commandant Le Clerc sait que cinq fois au cours des siècles,
durant les périodes troublées, les moines de Saint-Denis ont caché
leur trésor hors de l'enceinte de l'abbaye pour l'y ramener ensuite.
Il constate que, des possessions des bénédictins, celle de Messy
est la plus proche de Saint-Denis. Il s'étonne que les moines, en 1793,
n'aient pas jugé utile de mettre, une fois de plus, le trésor à l'abri.
Alors, il se pose une question à laquelle, durant vingt ans,
il essaie vainement d'apporter une réponse: le trésor de Saint-Denis
n'est-il pas caché à La Dimeresse depuis la Révolution?
Prudent et modeste, le commandant Le Clerc commence par demander
l'avis de radiesthésistes éminents.
Plusieurs lui confirment l'existence de souterrains
et la présence d'or et d'argent.
Puis, peu à peu, c'est spontanément que radiesthésistes
et magiciens se présentent à La Dimeresse.
Leurs conclusions rejoignent celles de leurs prédécesseurs.
Une magicienne détecte dans une allée proche de la maison
une sépulture: cinq moines dans leurs cercueils de plomb, dont un n'a plus de tête.
Le cas de La Dimeresse devint célèbre.
Nombre de personnalités départementales s'intéressent à l'affaire.
D'autres personnalités politiques, dont certaines occupent maintenant
une place prépondérante dans l'opposition de l’époque, sont prêtes à investir
des fonds nécessaires à des fouilles.
Et des fouilles ont lieu effectivement. Le commandant Le Clerc fait creuser
une dizaine de puits en différents endroits :
partout, on ne trouve curieusement que des nappes d'eau.
On effectue un sondage jusqu’à vingt-sept mètres de profondeur,
à un endroit ou un radiesthésiste détecte une salle souterraine circulaire,
contenant de l'or et de l'argent, près du mur d'enceinte de la propriété.
Enfin, en 1954, dans la cour du poulailler, on découvre,
en creusant, des marches qui s'enfoncent dans le sol.
Elles conduisent à un pertuis, lui-même barré par un mur; tous les espoirs sont permis.
Seulement, le pertuis menace de s'écrouler sur les chercheurs et pour
ces mêmes raisons, il est impossible de percer le mur avec les moyens de l’époque.
On rebouche à regret et l'opinion publique se désintéresse de l'affaire.
Solitaire, le commandant Le Clerc poursuit ses recherches jusqu'en 1961,
date à laquelle il décède sans avoir pu réaliser son rêve: retrouver l'épée de Charlemagne,
la châsse de Saint Louis et le buste de Saint Benoît.
Dès cette date, sa veuve voyage beaucoup pour oublier sa solitude.
Elle ne se sent pas de taille à poursuivre seule les recherches que son mari
avaient entreprises et se désintéresse, par la force des choses, du trésor de La Dimeresse.
Aussi, l'histoire est-elle totalement retombée dans l'oubli.
Et pourtant, un certain nombre de points sont autant d'indices permettant de croire
que le commandant Le Clerc était sur la bonne voie.
Jouxtant un très vieux cimetière, pratiquement abandonné, à peu de distance
de La Dimeresse,
existe une propriété appelée le «Trou d'Argent» sans que personne puisse expliquer
l'origine et la raison de ce nom.
A Claye-Souilly, agglomération distante d'environ deux kilomètres de La Dimeresse,
les vieilles gens se souviennent que dans leur jeunesse déjà,
donc bien avant que le commandant achète La Dimeresse et entreprenne
ses recherches, tout le monde parlait de «la cache des moines où se trouve le trésor
de Saint Denis, près de Messy».
La région est, par ailleurs, un véritable labyrinthe de souterrains dont La Dimeresse
semble bien être le noeud : l'un d'entre eux débouche sur le canal de l'Ourcq,
à environ mille cinq cents mètres, un autre part de l'église et se dirige vers La Dimeresse,
un autre encore a été découvert, au siècle dernier, lors de la construction de la mairie,
 toujours à proximité de La Dimeresse.
Il existe également un souterrain reliant la propriété à une autre maison située à Vineuil
et où les bénédictins de Saint-Denis percevaient la dîme en blé et en avoine,
tout comme ils la percevaient en or à Messy.
Tout récemment encore, on aurait découvert une galerie sous la chaudière de chauffage
central de la ferme Bouquin, au centre du pays :
la chaudière s'était enfoncée dans le sol, il a fallu cimenter pour la soutenir.
On peut voir aussi, dans un champ proche du canal, une surface de terre
assez importante qui s'est affaissée par rapport à l'ensemble.
Enfin, fait troublant, bien avant qu'il entreprenne ses premières fouilles,
alors que l'histoire était encore ignorée de tous, le commandant Le Clerc
reçut la visite de quatre moines bénédictins, accompagnés d'un radiesthésiste,
qui lui proposèrent pour La Dimeresse des conditions d'achat assez alléchantes.
Avec La Dimeresse, les amateurs de course au trésor ont peut-être une nouvelle
chance de vivre une belle aventure : Mme Le Clerc, comme nous l'avons dit, aime
les voyages.
Pour visiter la Suède ou l'Egypte, elle entend vendre une partie de sa propriété,
justement celle où se trouve situé, près du mur d'enceinte,
l'endroit où les radiesthésistes localisèrent la salle souterraine circulaire.
«Si mon acheteur trouve le trésor, tant mieux pour lui», expliquait-elle,
et la maison est peut-être une piste. En effet, un autre souterrain passe
sous cette maison que vend Madame Le Clerc. L'orifice en a maintenant été comblé.
«Notre prédécesseur était un entrepreneur en maçonnerie, il habitait ce bâtiment
et non pas celui dans lequel mon mari et moi sommes installés.
Un jour, il s'aperçut que la gouttière fuyait ; il plaça un tonneau contre le mur,
sous la fuite. Le lendemain, le tonneau avait disparu dans une véritable excavation:
pour la reboucher, notre maçon dut y jeter des tonnes de terre et de gravats divers».
Elément intéressant si l'on se souvient que le commandant Le Clerc avait détecté
une galerie juste en face de cette maison et qu'à l'autre bout du parc, juste dans l'axe,
d'éminents radiesthésistes situaient la fameuse salle circulaire.
 
Daniel REJU
Mme lecrerc devant l'un des endroits ou fut construit un puitCe contre-cœur de foyer
est découvert à 3,5 mètres de profondeur, lors des fouilles entreprises en 1954.
Parfois désigné sous le titre « Louis XV dictant la loi », le sujet représente un jeune roi
de France, en tenue de général romain, assis sur un petit monticule,
s'appuyant sur un faisceau de licteur, couronné de lauriers par la gloire et recevant,
des mains de deux femmes, une feuille qui ressemble à celle de l'ache.